Les transpédés racisés ne sont pas « à risque » - TransQueers - 2012

Article d'origine en anglais (PDF)

Alors, je viens de faire du sexe incroyablement bandant avec ce mec chaud, sexy, un mec racisé, un peu ourson, mais ça sera le sujet d’un autre article... notre dernier article ne comportait pas trop de baise et celui-ci non plus donc j’ai mis des liens vers quelques autres textes de baise, pour ceux qui ne peuvent pas s’en passer.

Un truc qui pour moi fait partie intégrante de tous ces amusements anonymes est ma résolution de me faire tester régulièrement. Je préfère me faire tester pour le VIH et les MSTs tous les trois mois, mais résolument au moins une fois tous les six mois.

Ça faisait six mois que je m’étais fait testé pour la dernière fois. La dernière fois, j’y suis allé parce que j’avais ce mal de gorge qui ne partait pas, je me suis dit que j’avais une angine ou un truc de ce genre. Mon médecin habituel n’était pas disponible donc j’ai dû voir quelqu’un d’autre. Il m’avait à peine aperçu qu’il m’a demandé si j’avais eu des relations sexuelles non protégées. Je suppose que ce qu’il a vu est un jeune homme non-trans gay racisé (d’après mon expérience, les médecins lisent rarement les dossiers, je ne compte plus le nombre de fois que j’ai dû dire à un docteur que je n’avais pas de bite –tout du moins ce qu’ils imaginent en être une), j’ai dit que j’utilisais toujours des préservatifs sauf pour le sexe oral, ce qui était vrai à l’époque. Il m’a demandé si c’était avec une ou plusieurs personnes. J’ai dit plusieurs – mon militairele beau mecle mec venant de ma ville natale– pour n’en citer que quelques-uns.

C’est à ce moment qu’il a commencé à me tester ET à me traiter pour toutes les MST possibles, m’a fait faire un test VIH par la méthode PCR alors qu’elle ne peut pas dire que vous avez contracté le VIH plus tôt que les tests rapides, m’a envoyé vers un accompagnement pour le test VIH, et m’a dit qu’il espérait que j’allais continuer à utiliser des préservatifs pour ne pas choper le VIH. J’ai apprécié me faire tester mais je n’ai pas apprécié le stigma et le profilage et je n’aime pas être soigné pour des choses, qu’en fait, je n’ai pas...

Enfin, il se trouve que c’était juste un méchant mal de gorge...

Donc en revanche, cette fois ci j’ai pris rendez-vous pour un test VIH et je devais voir un conseiller VIH. J’étais vraiment stressé et nerveux à ce sujet. Je m’étais pas mal éclaté et généralement je la joue safe mais il m’était arrivé quelques fois de me faire baiser sans préso (du bareback transpédé). Principalement avec des mecs qui disent qu’ils sont négatifs et que je connais depuis un bout de temps, mais beaucoup de gens qui ont le VIH ne le savent pas et les préservatifs ne sont pas fiables à 100% et il y a aussi un peu de risque avec le sexe oral non protégé... donc comme je suis d’une manière générale une personne anxieuse, j’étais stressé et je me suis fait du soucis dans l’attente de mon rdv et par la suite aussi.

Donc je discute avec la conseillère VIH, elle est très bien, me demande comment je m’identifie au niveau de mon genre et de ma sexualité, puis elle me pose les questions classiques, par ex : quel genre de pratiques sexuelles avez-vous, connaissez-vous le statut sérologique de la personne, etc. Pas de soucis.

Elle me dit tout de même que je ne devrais cependant pas m’inquiéter, qu’il y a peu de chance que je teste positif, elle me dit ça à répétition, j’ai trouvé que c’était un truc curieux de sa part.

Elle m’envoie faire un test PCR. Pendant que je vais au labo je regarde ma feuille. Il y a un ensemble de catégories à risque. Usager de drogue par injection, rapport sexuels avec une personne séropositive, etc. La première catégorie à risque sont les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes. Elle avait coché « non ».

Donc je me dis, c’est quoi ce bordel. Je viens de vous dire que je suis un mec trans qui est ici parce que j’ai laissé un mec non-trans me baiser sans capote. La seule différence entre moi et un mec gay non trans est l’orifice où j’ai laissé ce mec en particulier mettre sa queue.

Si je suis charitable, je dirais que peut-être ça a à voir avec le gouvernement de l’état, que mon genre dans le système est féminin et que je suis certain qu’un financement de l’état paye pour ce test – cependant ça n’arrange pas les choses.

Si je ne suis pas charitable envers elle, hé bien je peux supposer que sa compréhension des communautés trans est faible et que quand elle m’a demandé avec qui j’avais des rapports sexuels et que j’ai répondu principalement des hommes, elle a compris d’une manière alambiquée que j’étais une femme hétéro (bien que les femmes non-trans hétéro racisées qui ont des rapports sexuels avec des hommes non-trans soient la catégorie avec le taux de croissance de VIH le plus élevé.)

Quand je suis perçu par les docteurs et les infirmières comme un jeune homme gay racisé non-trans, pas toujours, mais souvent, je me sens stigmatisé, jugé, on me fait la leçon, on est condescendant avec moi. Je ne suis pas sûr de savoir comment décrire ça en détail, mais il y a ce truc hyper extrême dans nos intéractions, comme s’ils étaient certains que j’avais une MST, que je me mets en danger, que je suis irresponsable et qu’ils doivent me tester et me soigner dès que possible. C’est vraiment du à leur perception de mon âge, genre, sexualité et origine ethnique. Le racisme est très lourd dans ces intéractions avec les prestataires de soins de santé. Les personnes racisées sont perçues comme impures, infectées, stupides.

Je reconnais que j’ai fait des erreurs et qu’à certains moments j’ai pris des risques que je souhaiterais n’avoir pas pris, cependant me faire juger et traiter comme un risque irresponsable sur pattes ne m’aide pas à prendre de meilleures décisions.

Le revers de ça, c’est que quand ils savent que je suis trans sur le continuum female-to-male, je suis perçu comme à risque extrêmement faible. Au point qu’ils ne vont pas me tester, qu’ils me disent continuellement que je suis à faible risque et que je n’ai pas besoin de m’inquiéter à ce sujet, et qu’il faille que j’insiste si je veux me faire tester. Ces rencontres mettent vraiment en lumière les idées fausses au sujet de mon genre et de ma sexualité mais aussi beaucoup celles au sujet du racisme et du sexisme. Les femmes racisées sont perçues comme hypersensibles, émotionnelles, moins intelligentes. C’est déjà assez dur d’aller se faire tester, savoir que je vais peut-être devoir me battre pour y accéder ne rend pas les choses plus faciles. Et pour être honnête quelque fois je me laisse aller à mes doutes et oppressions internalisées et je ne me bats pas.

Les hommes gays non-trans racisés, en particulier les jeunes hommes gays racisés, ont toujours les plus hauts taux de VIH. Nous autres trans pédés et genderqueers racisés jouons avec les même bites et culs que les autres garçons gay, avec les même pressions et « facteurs de risque » et d’autres en plus, et pourtant nous ne sommes pas « à risque ».

Les implications qui découlent de ça m’inquiètent et me dépriment.

Ça m’a aussi fait réfléchir à la complexité de la sexualité et aux choix que je fais chaque jour en tant qu’être sexuel qui me mettent en danger et si ça vaut tout ce profilage, stress, risque et anxiété.

Pour moi avoir des rapports sexuels me donne de la force – ça me donne de la force en tant que personne trans queer de naviguer le sexe avec des mecs non-trans, d’être capable de prendre ce dont j’ai besoin dans la baise, d’avoir des personnes qui me désirent, de savoir que mon corps est bandant, et de me sentir sexy et sûr de moi dans mon corps. Et bien sûr j’aime simplement le sexe.

Tout ça est clairement bon pour mon bien être, peut-être tout autant que le risque m’est néfaste.

Donc je continue de m’amuser et d’être aussi safe que je peux et de quelque fois faire des erreurs et de les reconnaitre comme miennes et de me faire tester et être anxieux et simplement de vivre avec toute la complexité du sexe anonyme et de la baise en tant que mec trans queer racisé.

Related Articles

Free Joomla templates by Ltheme