Petit historique de mes pratiques à risques - Lazz - 2010

Dans le temps, j’avais lu sur le blog Un Bruit de Grelot cette réflexion, à propos des campagnes, matériel, info sur la réduction et prévention des risques en matière de sexualité :

« Mais, à ma connaissance, la grande limite des démarches de réduction des risques liés à la sexualité est de se contenter des pratiques physiques. A quand l’élaboration de stratégies et de comportements à adopter pour réduire les risques psychologiques, sociaux, affectifs liés à la sexualité ? A quand des réflexions qui viseront à réduire les risques d’abus, de dépendance, de soumission, de valorisation, de pouvoir social, etc… »

Pour la première fois je trouvais un écho à mes propres interrogations, hors de deux trois discussions en privé avec des amis. Quand le magazine Original Plumbing a lancé un appel à contribution pour leur numéro sur la santé et le sexe à moindre risque, j’ai décidé d’écrire un texte sur le sujet, pour enfin aborder ce sujet. Mon texte n’a pas été retenu, mais ça a servi de point de départ pour oser écrire sur le sujet en français. Ce texte est une version remaniée et allongée du texte que j’avais écrit en anglais.

L'arrivée de la PrEP à partir de 2012 a rendu caduque ces réflexions.

— -
J’ai rarement utilisé de préservatifs quand je me faisais baiser. Ce n’est pas que je ne sais pas comment me protéger, mais c’est que je ne le fais tout bonnement pas et c’est pourquoi les messages de prévention contre les MSTs ne m’atteignent pas.

J’ai débuté ma vie sexuelle dans le monde du sexe anonyme gay. Quand j’ai eu un peu plus de quinze ans, j’ai décidé d’aller dans un parc public près de chez moi. J’y suis allé jusqu’à plusieurs fois par semaine pendant plusieurs mois. Je n’y pratiquais que des fellations, masturbations, des baisers et des caresses. A chaque fois j’utilisais un préservatif pour sucer, c’était quelque chose qui coulait de source et j’aimais acheter et utiliser différentes sortes de préservatifs.

L’homme avec qui j’ai eu ma première pénétration vaginale était un connard. Rencontré sur ce lieu de drague, c’était un homme bisexuel d’une vingtaine d’années. Après une première soirée splendide et très excitante, sans pénétration, où il parlait de moi au masculin et ne se souciait pas que j’enlève mes bandages de poitrine, nous nous étions revu quelques jours après et ça ne s’était pas bien passé. Quand il est parti j’ai passé un bon moment roulé en boule sur un fauteuil à me sentir vide et déprimé sans trop savoir pourquoi. A l’époque, ça ne m’avait pas du tout traversé l’esprit qu’il puisse vouloir me pénétrer quand il m’avait dit de m’allonger sur le lit. Après tout, je lui avais assez dit et redit que je ne voulais pas le faire. Presque quinze ans après, je peux maintenant me dire qu’il était le premier d’une série d’hommes pour qui le fait que je sois trans était une sorte de jeu de rôle, pouvant être excitant au début, mais qui s’arrêtait vite et qui allaient me faire comprendre, d’une manière plus ou moins gentille, et plus ou moins consciente, que j’étais une fille.

Je parle de tout ça parce que même en tant que connard, il a utilisé une capote. C’est important pour moi de le préciser parce que ça veux dire qu’il n’y a pas d’un côté « les mecs biens », qui vont forcément utiliser des capotes, et les connards, qui vont forcément ne pas en mettre.

J’ai arrêté de fréquenter ce parc quand j’y ai rencontré l’homme qui allait devenir mon premier « petit ami » jusqu’à mes dix-huit ans. Il était hétérosexuel, la quarantaine, marié avec enfants, et était venu dans ce parc pour satisfaire sa curiosité, à la suite de sa mention par un collègue de travail. C’est tout du moins ce qu’il m’avait dit.
Avec lui, j’ai aussi arrêté d’utiliser des préservatifs lors de la fellation. Pour moi à l’époque c’était mon petit copain, même si notre relation n’était que purement sexuelle et de ce côté là à sens unique. Il m’avait dit qu’il était amoureux de moi, et j’avais fini par le lui dire moi aussi quelques temps après. Nous avons eu à une ou deux reprises une pénétration vaginale protégée. Je ne me souviens pas qu’on ait parlé de grossesse ou de MSTs.

Par la suite, j’ai été célibataire pendant deux ans. Je pensais que je ne retrouverais quelqu’un qu’une fois ma transition terminée, convaincu que personne ne trouverait excitant un corps à mi-chemin entre les sexes. J’étais décidé à l’époque à avoir une phalloplastie et qu’ensuite je pourrais commencer à vivre. J’ai débuté la prise de testostérone en janvier 2003, et six mois après je passais mon temps sur internet à passer des annonces et planifier des rencontres avec des mecs. J’avais aussi fait cela en tant qu’adolescent mineur, mais je n’avais pas eu de rapport sexuel avec les mecs rencontrés, malgré des pressions diverses de certains d’entre eux et une ou deux techniques fourbes : « Aucun mec homo ne voudra de toi, donc autant coucher avec moi » -de la part d’un mec homo qui ne me plaisait pas physiquement. Mais à présent, j’étais trop excité, la testostérone m’ayant fait découvrir les orgasmes et le plaisir d’utiliser tous les aspects physiques de mon corps.

Sous testostérone, la grande différence était qu’à présent, le sexe était devenu un besoin physique, au lieu de seulement être cette excitation mentale de me trouver dans un environnement exclusivement masculin ou le plaisir de donner du plaisir. Et les bites, oh bon sang les bites semblaient encore plus appétissantes et les voir éjaculer c’était le paradis ! Je me retrouvais à être extrêmement excité par des pensées et pratiques très à risques. Je me forçais à ne pas agir sur ces pensées, ou à ne pas rencontrer ces mecs, avant de m’être masturbé jusqu’à l’orgasme, ou à retarder de quelques heures une possible rencontre, ce qui était habituellement suffisant pour me calmer. Après toute une vie passée à être cette fille laide, c’était euphorisant d’être désiré sexuellement, même habituellement de la part d’hommes attirés par des femmes masculines et rarement en tant que garçon. Me sentir désiré sexuellement est toujours vital pour moi.

Je me suis aussi habitué à ne pas utiliser de capotes lors de rapports sexuels. Pour sucer, ça ne me traversait même plus l’esprit d’utiliser un préservatif, surtout quand le plaisir venait justement de toucher la peau nue et de voir une bite nue. J’ai dans le même temps rencontré beaucoup d’hommes que ça ne perturbait pas plus que ça de ne pas utiliser de capotes, et de mon côté, je ne m’en inquiétais pas trop parce que, « Ben, il est hétéro... ». Bien sûr ça ne vous renseigne absolument pas sur les diverses MSTs que peut avoir le mec particulier avec qui vous allez coucher ! Et de toute manière, quelque uns d’entre eux couchaient aussi avec des mecs de temps à autre. Je m’inquiétais plus d’une possible grossesse, et une fois ce risque écarté...

La première fois que j’ai eu un rapport sexuel pénétratif sans préservatif, j’avais passé des heures avec un mec hétéro qui adorait les femmes masculines, pratiquant tout un tas de pratiques sexuelles très excitantes et sans pénétration, quand le lendemain matin, pendant qu’on s’y remettait, je me suis frotté contre sa bite et l’ai laissé glisser en moi. Je suis sorti avec ce gars pendant quelques mois et bien que nous ayons parlé de notre non utilisation de préservatifs, c’était seulement en relation avec les risques de grossesse. Je savais que j’étais négatif au VIH, je m’étais fait tester des mois auparavant, craignant que si j’étais séropositif, cela mettrait fin à toute éventualité de me faire opérer en France. Il ne m’a pas dit si il avait des MSTs. Je ne pense pas avoir jamais demandé, j’ai juste supposé que non. Autrement, il m’en aurait parlé non ?

Le second mec qui m’a baisé sans capote était un Dominant hétéro trouvé sur un site de rencontres BDSM. La première fois que nous nous sommes rencontré, comme la scène prévu le demandait, nous étions sensé ne pas parler du tout. Je me souviens à un moment être allongé sur le dos sur le lit, et lui me pénétrer. Je me souviens avoir pensé qu’il y avait des capotes dans la chambre, que j’étais sensé utiliser des capotes. Je suis resté muet. Nous sommes sortis ensemble quelques années. Je me souviens qu’il m’a dit un jour que dans l’armée, ils sont testés chaque année pour le VIH et que les personnes séropositives ne sont pas autorisées à être envoyé en pays étranger, lui il l’avait été, donc...

Le troisième mec avec qui j’ai baisé sans capote était un mec homo que j’avais rencontré sur un site de tchat gay. Nous sommes allé prendre un verre, et comme il était très « visiblement gay », comme moi je pensais qu’aucun mec homo à 100% ne voudrait de moi, je n’avais pas imaginé que l’on coucherait ensemble. En y repensant je trouve curieux de constater que j’avais semble-t-il oublié tous les hommes gay qui n’avaient eu aucun problème avec le fait que je sois trans. Il m’a invité chez lui et au détour d’une conversation il a pris mon visage pour l’amener vers le sien pour qu’on s’embrasse. Nous avons grimpé dans son lit, nous sommes caressés, il a pris du poppers, et nous nous sommes naturellement alignés dans la position idéale pour qu’il me baise. Nous avons eu des rapports avec pénétrations non-protégées plusieurs fois au cours de la soirée. Il y avait des préservatifs à même pas 30cm à notre portée. Nous avons toutefois parlé de ça juste après. Nous étions tous les deux séronégatifs et sans aucune autre MSTs. En tout cas, c’est ce que nous avons déclaré.

La dernière fois que j’ai couché avec un mec, j’étais allé dans un sex-club pour hommes avec un mec homo et nous nous sommes isolés dans une cabine dans le noir quasi total. Après de long moments de sexe sans pénétration, nous nous sommes accroupis et pris dans les bras de très près, et si il n’avait pas été si ivre au point de ne pas avoir une érection assez dure, et s’il l’avait voulu, quelque chose aurait pu se passer. J’étais très ivre moi aussi cette nuit, mais la sensation de nos sexes nus l’un contre l’autre était claire dans ma tête, comme le fait de savoir que j’avais des capotes dans mes poches. Je n’ai pas fait un geste pour les prendre.

Je n’ai pas de réponse définitive sur comment changer mes comportements et mon mode de pensée. Je ne sais pas comment être moins passif au lit, affirmer ce que je veux, ne pas penser que je suis moche ou que j’ai de la chance d’avoir des rapports sexuels. J’essaie à présent de ne pas me mettre dans des situations qui pourraient se révéler à risque pour ma santé, et de rester monogame, mais j’ai l’impression que c’est un pis-aller.

Related Articles

Free Joomla templates by Ltheme