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Par Tristan Taormino
Plus d’un centaine de personnes, le who’s who de la scène « genderqueer » new-yorkaise, a fait la fête à Toys in Babeland à Soho il y a quelques semaines, pour célébrer la sortie de Trannyfags, un nouveau film porno. L’événement a marqué non seulement la première d’une vidéo indépendante érotique (qui a été effectivement montré d’abord au MIX Fest, un festival de films et vidéos expérimentaux lesbiens et gay, en 2003), mais le début d’une identité et d’une communauté sur laquelle les gens savent peu de choses.
Juste quand vous pensiez que l’identité queer ne pouvait pas devenir plus compliquée ou plus fabuleuse, vous pouvez accueillir une nouvelle identité d’avant-garde dans le domaine déjà encombré des butches, folles, bois, fems, minets, lesbiennes lipstick, ours, hommes trans, femmes trans, et queers lambdas. Les trans pédés sont des personnes transgenres Female-to-Male (FTM) qui s’identifient comme pédés et désirent, aiment et baisent d’autres mecs. Ces autres gars peuvent être FTMs ou des « hommes bio ». "Les hommes bio" est un raccourci pour "les hommes biologiques," les hommes à qui on a attribué un sexe masculin à la naissance, par opposition aux hommes qui ont été attribué un sexe féminin à la naissance. Beaucoup de gens, dont moi-même, trouvent le terme hommes bio, tout en étant utile, également problématique, car il favorise un modèle de déterministe biologique du genre, c’est à dire, vous êtes ce que vos organes génitaux et votre certificat de naissance disent ce que vous êtes. Beaucoup préfèrent utiliser le terme hommes non-transsexuels pour identifier ces garçons qui avaient des bonnets et chaussettes bleus à la maternité.
L’écrivain-photographe-musicien Morty Diamond, un mélange bizarre, énergique, entre Andy Warhol et un jeune Paul McCartney, n’avait pas raffolé de la tenue standard rose qu’il avait eu il y a 28 ans, et il s’est identifié comme transgenre à l’âge de 24 ans. Il avait toujours été triste de la pénurie de porno avec des hommes trans, et rien d’étonnant : la collection complète de tels films de cul peut tenir dans un sac à dos. De plus, les seuls maîtres ès baise à se plonger dans le domaine des hommes trans s’amusant avec des hommes bio sont Christopher Lee, plus connu pour son film underground Alley of the Tranny Boys, et Buck Angel de transexual-man.com (que Diamond crédite d’avoir ouvert la voie pour son travail).
Se décrivant lui même comme un homme trans à tendances pédé et un mateur passionné de porno pédé, Diamond a décidé qu’il voulait produire et diriger une vidéo porno pédé trans. Il venait de déménager de la Bay Area à New York quand il a commencé la pré-production pour Trannyfags. Il a cherché le prochain Dirk Diggler FTM gay [Ndt : vedette porno fictive du film Boogie Nights, basée sur John Holmes], mais s’est vite rendu compte qu’il n’allait pas le trouver dans la Big Apple, donc il est retourné à la Mecque du porno-alterno, San Francisco. Après avoir fait marcher ses réseaux et posté quelques annonces sur craigslist.org, il a trouvé « une tonne de gens » qui étaient ouverts à, intéressés par, et excités de faire du porno trans pédé. Il a auto-financé le projet dans son ensemble, y compris le paiement de tous les interprètes (ce qui n’est pas toujours le cas dans le monde du cul indépendant).
La ligne d’accroche bien conçue de la couverture du boitier promet « les plus chauds corps modifiés hormonalement et chirurgicalement », et la cassette à l’intérieur ne déçoit pas. Elle commence par un jacuzzi pelotage-en-groupe-tournant-partouze avec quatre mecs, tous avec des corps qui ont fait la transition de female-to-male. La caméra nous permet un bon aperçu d’organes génitaux FTM variés et sexy, quelque chose que la plupart des gens n’ont pas vu de près, mais il y a quelque chose d’encore plus surprenant pour le spectateur non initié : des images de trans pédé exprimant leur sexualité auto-érotiquement (dans un cercle de branlette), les uns avec les autres, puis en tête-à-tête, chacun avec un mec non-trans différent, dans les scènes qui suivent. Au cours d’une des rencontres, un mec musclé afro-américain porte un gode-ceinture pour baiser son partenaire, et la caméra joue un habile est-il-trans-ou-ne-l-est-il-pas jeu ; finalement, sa bite pointe du haut du harnais scintillant, mais l’ambiguïté fait partie de l’excitation.
La scène qui est pour moi hors concours est celle entre un Mark Van Helsing piercé, au crâne rasé, et un punk rocker longiligne, portant une crête, un kilt à carreaux et des bas résilles. L’alchimie est authentique (la rumeur dit que les gars étaient des copains de baise dans la vie réelle) et il y a quelque chose au sujet d’une paire de jambes poilues en bas résille qui m’excite vraiment. Diamond admet : « J’aime la dernière scène dans le sauna parce que j’aime [l’acteur] Billy Coyote. Il a quelque chose d’un acteur porno né, il est un acteur porno bandant, et je pense que vous pouvez voir qu’il est excité et qu’il s’éclate." Si vous pensez que baiser et sucer ne peuvent pas être révolutionnaires, repensez-y : La simple représentation de la transsexualité dans la vidéo invite le spectateur à voir clairement comment délicieusement fluide et complexe le sexe, les corps et les genres peuvent être.
Diamond a des objectifs ambitieux pour le film, qui est disponible uniquement via son site web et Toys in Babeland mais il sera bientôt distribué dans les autres magasins sex-positifs (29,95 $, mortydiamond.com) : "Oui, c’est pour les personnes trans et trans pédé et les gens qui les aiment. Mais je veux aussi que des gens qui n’ont jamais entendu parler d’un homme trans avant de prendre ce film, le regardent, et pigent... comprennent. Je veux qu’ils pensent, "Wow, ces gars-là sont bandants, Je pourrais sortir avec un homme trans ! " Il veut que son film soit vu par beaucoup de gens différents, mais il se méfie aussi du courant dominant qui coopterait cette minorité sexuelle : « Le seul porno grand public que j’ai jamais vu avec un gars trans était dans un film gay fait au début des années 90. C’était violent, terrifiant, et tellement mauvais. Je pense qu’il y a exploitation des femmes trans dans les pornos grand public, et je ne veux pas que la même chose arrive aux hommes trans. Je suis un homme trans qui fait du porno d’hommes trans. Il est important pour nous de nous représenter."
Si Diamond réussit en tant que quasi-ambassadeur de porno trans pédé, et introduit les trans pédé au grand public –aux gens qui n’ont jamais vu de trans pédés et en particulier des trans pédés en train de baiser— le monde deviendra un endroit plus éclairé. La suite pour Diamond est un livre qu’il a édité qui s’appelle « From The Inside Out » qui présente des récits à la première personne par des personnes nées de sexe féminin qui s’identifient comme genderqueer, troisième sexe, FTM, ou autres (sortie prévue en Septembre chez Manic D Press). De plus, il est déjà au travail sur une nouvelle vidéo qu’il décrit comme « un autre porno trans, mais cette fois avec beaucoup de gens différents, pas seulement des trans pédés, et plus kinky." Il est à l’affût de plus d’étalons (et étalon/nes) qui sont prêts à s’amuser devant une caméra.
Avec tant de détermination et de passion, est-ce que le directeur envisagera un jour de travailler de l’autre côté de la caméra ? Verrons-nous Diamond à poil ? « Certainement pas. Je ne pense pas que je possède cette qualité exhibitionniste qu’a une bonne star du porno », dit le pornographe en herbe. « J’ai vraiment l’impression que mon rôle est de diriger, et si j’étais dans le film, qui me dirigerait ? »