Article d'origine en anglais (PDF)
Copyright Juin 1998 par Michael M. Hernandez, Apparu dans "From the Inside Out : Radical Gender Transformation, FTM and Beyond", éditeur Morty Diamond, 2004.
Parler de désir c’est parler de passion. D’ardeur. De satisfaction. Le désir, pour moi, est un sentiment intense qui se matérialise au creux de mon estomac, déclenché le plus facilement par une odeur. L’odeur d’un blouson de cuir neuf, du piquant musqué de la sueur, exsudée seulement lors de la peur ou d’une excitation intense, du bois de santal, de la sauge ou d’une eau de cologne particulière. A elle seule une odeur peut suffire pour me mettre en train. C’est une réaction purement chimique à un stimuli, pleine d’un désir presque excessif de goûter, sentir et nourrir l’envie intense et irrésistible qui habituellement se manifeste quand je m’y attend le moins.
* * *
[Chicago, Illinois.] On est en Mai, 1997. Je suis accoudé au bar et j’attend que le serveur surchargé de travail ramène les bières locales hors de prix et le coca/jack daniels que j’ai commandé il y a quelques minutes. Il fait chaud. Le nombre de corps entassés dans la pièce a pour seul résultat d’étouffer tout bénéfice tangible qui pourrait provenir de la climatisation, que je soupçonne d’être en état de fonctionner en temps normal. Mais nous ne sommes pas en temps normal, comme le prouve l’arôme acablant de testostérone et de sueur qui se mélange parfaitement avec la senteur inimitable du cuir et du Crisco. Peut être le Crisco est simplement mon imagination débridée.
Ces mélanges de parfums âcres commencent à me donner le tournis et déclenchent un certain nombre de souvenirs. Dans ma tête j’entrevois des fragments d’images telles que des scènes de pisse, des bruits de baise dans des escaliers, l’odeur et le goût des cigares, une danse dans laquelle l’on pourrait couper au couteau dans les sensations de luxure et de sensualité brut. Je voyais les choses d’une autre manière en ce temps, et on me voyait d’une manière différente.
Je suis sorti de ma rêverie par le sentiment étrange d’être observé. Du coin de l’oeil, j’aperçois un bear excitant en train de me fixer. Il a cette expression particulière sur son visage et en prime un grand sourire.
Quiconque a vu "ce regard" peut vous dire quand ça se produit. C’est en quelque sorte le croisement d’un Je-te-sauterais-dessus-si-j’avais-la-moindre-chance dévergondé et de la coquetterie de J’suis-un-mec-timide. Il m’a fallu un certain temps pour réaliser que je pouvais être l’objet de ce type de regard. J’ai le don pour être tête en l’air quand quelqu’un envoie ces signaux non verbaux explicites d’attirance sexuelle. C’est parce que je suis petit, trapu, recouvert de fourrure, chauve ou perdant mes cheveux, c’est selon, et que j’ai tendance à projeter une façade intense, oubliant souvent de sourire. C’est précisément cette intensité et un aspect extérieur inamical qui a souvent servi à décourager des copains de baise potentiels de s’approcher de moi.
Avec le temps, j’ai appris que ce que je suis c’est de l’appât à ours. En dépit de cette nouvelle compréhension des lois de l’attraction et du flirt, faire de nouvelles rencontres peut s’avérer difficile pour moi. Bien que j’aie appris à aimer flirter, je ne me débrouille pas très bien avec des signaux subtils. Quand j’ai une ouverture, j’ai tendance à être franc sur ce que je veux et préfère pareil en retour. "J’ai envie de __" fonctionne à merveille si l’on s’adresse à moi, merci bien, mais cette approche directe ne semble pas être à la mode.
Le mec qui me jauge du regard n’est pas pressé. J’ai une touche, mais je ne suis pas ici pour baiser. En fait, si, mais non. Le sexe pour moi nécessite quelques travaux préliminaires sous la forme d’une discussion. Parfois ça marche et d’autres fois non. J’ai appris à jouir de la tension sexuelle plutôt que du résultat. Cette douleur délicieuse qui palpite au creux de mon ventre, le bouillonnement de mon sang, cette sensation qui remue dans mes reins.
Mes boissons sont enfin arrivés. Je les ramasse et me fraye un chemin en sens inverse pour rejoindre les gars avec qui je discute dans le hall de l’hôtel tout en observant le flux et reflux des hommes à travers la pièce. Quelques minutes plus tard, il se dirige vers moi et je suis plus qu’un peu tendu. Draguer est amusant, mais je suis relativement certain que ça ne va pas aller plus loin que ça. Une fois que le pot aux roses est découvert, la réponse initiale est souvent "désolé, mais c’est non". Ça semble négatif de ma part, mais en réalité mon pessimisme m’a permis d’atténuer les tensions associées aux premières rencontres. D’une façon perverse, ça va être drôle. Il s’assoit près de moi. Les conversations ne cessent pas vraiment, mais je remarque mes amis bouger d’une manière subtile sur leurs sièges. Je devine qu’ils se préparent à la pratique du grand art du voyeurisme.
"Bonsoir Monsieur." Mmm, et en plus il est bien élevé.
"Salut." Je répond en lui envoyant mon plus beau sourire. Nous discutons de tout et de rien et il ne faut pas longtemps pour qu’il commence à jouer avec les poils de mon bras. Oh, ça va devenir intéressant.
"Oh, désolé, j’aurais du demander la permission." dit-il innocemment. Il sait exactement ce qu’il fait et moi aussi. Tout d’un coup la pièce devient plus chaude que dans mon souvenir quelques minutes avant. Mon front se couvre de sueur et je sens que ça s’agite au fond de mon pantalon.
"C’est agréable," je répond. "Je suis très flatté, mais je ne suis pas ce que tu cherches."
"Mais si Monsieur." Quel garçon adorable. Mais je ne m’y laisse pas prendre. C’est de la routine pour moi, mais très certainement une nouvelle chose pour lui. Dans un court instant, nous allons avoir la discussion qui va potentiellement tout foutre en l’air. LA discussion. Vous savez laquelle. C’est une partie du prix à payer pour mes transgressions et mon désir sexuel dans toutes ses merveilleuses variations. Dans une poignée de secondes la vie va devenir bien plus compliquée. J’accroche son regard avec précaution, essayant de ne pas le regarder trop intensément et je prend une grande respiration... alors voilà... euh... rien.
* * *
[Seattle, Washington] Je réalise que je suis en train de retenir mon souffle et que j’ai eu une suée, deux choses que je sais faire à la perfection. Mon habitude étrange de me focaliser sur certaines particularités tout en ratant ce qui est le plus visible s’est activée et fonctionne à plein régime. Ce sont ses sourcils qui ont en premier lieu attirés mon attention. Sombres, sauvages et épilés à un angle qui pourrait être au choix sinistre ou joyeux, selon votre point de vue et dépendant clairement de son humeur. Il y a quelque chose à son sujet sur lequel je n’arrive pas à mettre le doigt, mais des flammes de désir ont certainement été attisées. C’est ce mystère qui m’a attiré vers lui. Ça et le fait que ses yeux pétillaient de malice. C’est ce qui m’attire le plus. Il y a tellement d’informations et d’émotions véhiculées par ces orbes, si souvent ignorées dans nos porno et nos vies.
Il a les cheveux noirs, des yeux clairs, et une barbe broussailleuse. Une chance pour moi, l’attirance semble mutuelle, mais le moment n’est pas le bon. Lui et son amant viennent juste de se remettre de la grippe. Mon mec et moi nous nous apprêtons à quitter la ville dans la matinée. Nous avions discuté trop brièvement, mais je savais où le trouver.
La fois d’après que je suis venu en ville j’ai fais en sorte de prendre contact avec lui. J’étais tout préparé à avoir LA discussion. Le destin a voulu qu’on se retrouve dans la même soirée, assez petite pour être intime, assez grande pour la rendre intéressante. Nous avons flirté avec nos yeux pendant la plus grande part du week-end, puis à la fin de la soirée il m’a pris par derrière dans ses bras et a glissé sa main dans mon t-shirt et a joué avec mes tétons. Je bande juste en y repensant. Il avait ce qu’on peut décrire comme un touché doux, juste la bonne quantité de pression allant vers la douleur, et juste assez de tendresse pour amener le plein essort du plaisir. Moi, étant radio-controllé par ces deux protubérances de chair, je me tortillais. Je pouvais sentir la chaleur qui émanait de son bas-ventre alors que son érection me poussait dans le dos. Au moins maintenant il a cette petite information en plus, mais puis-je être sûr qu’il a compris. Si il n’y avait pas tant de monde dans la pièce, je l’aurais jeté sur le sol et commencé là tout de suite. Bon, peut être que ce n’était pas juste la présence d’autre personnes mais cette satanée discussion.
Exerçant la plus grande retenue, nous prenons nos place respectives et jouons nos rôles respectifs comme dans un jeu d’un meurtre mystère. C’est tout ce que je peux faire pour me concentrer. Une fois que la soirée est terminée il ne faut pas longtemps avant que cet ours excitant fasse gravir à sa main l’une des jambes de mon short et se concentre sur mon jock-strap. Et dire que je voulais parler d’abord. Parler, cependant, se profile rapidement à l’horizon.
* * *
Imaginez vous dans la scène suivante. Vos yeux tombent sur quelqu’un qui vous plait immédiatement. C’est une rencontre fortuite. Vous ne savez rien de cet étranger, mais au même moment vous sentez votre bite s’agiter dans votre pantalon. Qu’est ce qui fait que cet homme en particulier a attiré votre attention ? Je sais, je sais, à ce moment précis réfléchir n’est pas ce que vous étiez en train de faire. Je ne connais personne qui passe beaucoup, ou même un peu, de temps à disséquer leur désir au moment où il se manifeste. S’ils le faisaient, l’objet de ce désir ne serait pas là quand ils en auraient fini avec leur analyse. Il serait occupé à intéragir avec quelqu’un d’autre. Faites semblant de m’ écouter un instant. Pensez à ça. Qu’est ce que vous saviez vraiment de ce gars qui vous a fait durcir la queue ? Je vais me risquer à dire rien du tout. Y-a-t-il quelque chose qu’il pourrait dire qui vous ferait changer d’avis au sujet de votre attirance à son sujet ?
J’ai eu cette discussion particulière plus de fois que je peux m’en souvenir, mais ça ne semble jamais devenir plus facile. Le niveau de difficulté dépend de l’état d’esprit dans lequel je suis. Ainsi que la réalisation que "non" n’est pas vraiment à prendre à titre personnel. Bon, un peu quand même, mais non. Ça le concerne lui et les décisions qu’il a à prendre pour lui-même concernant les risques à intéragir avec moi sur le plan sexuel. Ça et comment ma petite révélation va changer son point de vue sur ce que qu’il veut ou pensait qu’il voulait. Dans quelle mesure la bombe que je suis sur le point de lancer va modifier nos réalités respectives ? Il va devoir peser et évaluer les ramifications à long terme de notre/nos rencontres fortuites. Oui, j’espère qu’il y en aura plus qu’une. Je n’ai jamais été bon pour les coups d’un soir parce que je n’arrive jamais à faire tout ce que je voudrais dans le laps de temps imparti.
* * *
[Chicago, de nouveau] Nous sommes dans un endroit chargé sexuellement et je ne suis pas disposé à me gâcher la soirée. J’insiste que je ne suis probablement pas ce qu’il recherche pour ce soir. Il me dit qu’il a remarqué le foulard rouge dans ma poche de gauche et que bien qu’il ne soit pas attiré par le fist-fucking, qu’il est sûr qu’on peut arranger quelque chose. Il se pourrait bien qu’il ravale ses mots dans quelques instants. Voici venir la discussion dont je parlais. Il n’y a pas de retour en arrière possible et je n’ai véritablement aucun moyen de savoir de quelle manière il va réagir. Heureusement pour moi le dernier numéro de "Canadian Male", qui se trouve juste être posé sur la table basse, va rendre ceci un tout petit peu plus facile.
"Mmmh, as-tu entendu parlé du livre de Loren Cameron," je demande nonchalamment en espérant que oui. "Non," dit-il. "Eh bien jette un coup d’oeil à cet article." J’attend patiemment qu’il parcoure les 250 mots qui préparent parfaitement la scène pour ce dont je veux lui parler. Je regarde attentivement son visage m’attendant de voir des signes de surprise, déception, colère, n’importe quoi qui me donnera un indice sur comment lui expliquer ce que je dois lui dire sans ruiner la situation pour chacun de nous.
"C’est ok Monsieur, je comprend." Je me retrouve perplexe. Étant le pessimiste que je suis, je suis certain que j’ai mal entendu ce qu’il vient de dire. Un peu comme la nuit où j’ai entendu mon compagnon dire qu’il allait cuire le chat quand en fait il avait dit qu’il allait sortir les poubelles. Mes oreilles me jouent quelquefois des tours. Je suis convaincu que c’est l’une de ces fois. Il ne peut pas être d’accord avec me laisser enfouir ma bite dans son cul.
Il doit avoir vu la perplexité sur mon visage parce qu’il dit "J’ai des amis qui aiment se travestir." Se travestir. Mais que diable pense-t-il ?? Une lumière s’allume dans ma tête. Il n’a toujours pas la moindre idée. Ce gars pense que je suis une drag-queen et il doit penser que j’en suis une horrible en plus. Je suis recouvert de poils et il me manque le talent qu’il faut pour se faire toute belle dans des habits moulants et des haut talons.
"Non, je suis transgenre."
"Je vous assure, c’est ok."
Je secoue la tête et rit en moi même. L’invisibilité, est-ce une malédiction ou une bénédiction ?
"Non, tu ne comprends pas. Comment dire ? Je ne suis pas né ce que la société traditionnellement considère comme masculin."
C’est à son tour d’être perplexe.
"Être transgenre marche dans les deux sens."
Maintenant il a compris. Un indice significatif est sa mâchoire qui vient de tomber. Cela révèle aussi l’essentiel de ce qu’il est en train de penser. Si je suis gay, comment ai-je pu être attiré par lui...hum...elle....hum...lui. Peu importe ! Est ce que ça veux dire que je suis hétéro ? bi ? Mes amis essaient de faire en sorte que leurs boissons ne leur sortent pas par les trous de nez. Ils s’amusent énormément de tout ça.
Quand j’ai dit que nous devions discuter il a supposé que j’allais lui dire que j’étais séropositif au VIH. Il comprend maintenant pourquoi j’étais tellement sûr qu’il recherchait quelqu’un d’autre. Ce n’est pas que je me brade. Je suis sûr que dans les circonstances appropriées nous aurions pu négocier quelque chose qui aurait été mutuellement agréable et sans risque pour nos psychés respectives. Pourtant, je savais que l’ensemble des discussions habituellement nécessaires pour assurer à quelqu’un que leur attirance pour moi ne modifie pas leur orientation sexuelle ne pourrait pas prendre place pendant le laps de temps disponible à cette occasion. Il existe tellement d’autres choix facilement disponibles ce week-end et si peu de temps. Cela prendrait plusieurs heures, sinon plus, pour faire le point sur certaines de ces problématiques.
C’est parce que mon histoire est relativement récente.
Le nombre d’hommes trans qui s’identifient ouvertement en tant que gay ou queer est en hausse, mais dans l’ensemble notre invisibilité reste intacte. Il y a très peu de porno à notre sujet. Nous représentons l’inconnu et en tant que tel nous n’avons pas encore été exotisé et/ou fétichisés. C’est cet inconnu qui nous rend un peu déstabilisant pour l’identité des autres. En même temps, nous piquons leur curiosité. A quoi ressemble notre corps ? Quel est notre odeur ? Est-ce qu’on éjacule ? Est-ce qu’on aime se faire baiser, baiser ou les deux ? Qu’est-ce qui est intouchable et qui ne l’est pas ? Seuls les plus aventureux ou les plus sûrs d’eux s’aventurent dans ces eaux. La vérité est que chacun de nous est différent. Les généralisations ne fonctionnent pas. Aucune hypothèse émise ne serait correcte.
Vous ne pourriez pas me repérer dans une foule ou dire ce que j’aime en me regardant, mais vous pourriez être agréablement surpris par ce que vous trouvez. J’ai une barbe, je suis couvert de poils, sauf sur la tête, j’ai des mains talentueuses, un sourire scélérat, un sens de l’humour espiègle et de la fierté pour ce que je suis. Oui, je bande et je peux éjaculer si vous touchez juste le bon endroit. Non, je n’ai pas eu de bite construite chirurgicalement. Il y a bien d’autres choses que je pourrais faire avec ces 150 000 dollars. Ce que j’ai a poussé à l’aide d’un style de vie chimique très sain --- la testostérone. Si vous êtes à la recherche de plus d'une bouchée, vous êtes tombé sur le mauvais gars, mais nous pouvons faire une chevauchée sauvage avec un gode-ceinture.
Je baise en effet dès le premier soir, mais ne supposez pas que vous serez celui qui sera l’actif. Ne vous attendez pas à ce que je m’attache à vous ou que je vous harcèle pour rester en contact mais attendez-vous à un coup de fil de temps à autre ou mieux un e-mail. Je vis pour la délicieuse extase de sentir de la fourrure contre fourrure, de goûter sueur et latex, et d’inhaler tous ces arômes qui ont pour résultat d’attiser les flammes du désir.
En bref, je suis à la recherche de l’aventure avec un homme qui a le sens de l’humour, un esprit ouvert, qui est assez confortable avec son corps pour savoir ce qu’il aime et qui n’a pas peur que je le fasse bander. Quelqu’un qui aime avoir les mamelons maniés, tordus, pincés, sucés, caressés et tourmentés en général. Le gars qui devient dur de seulement penser à sa queue et ses boules badigeonnés de baume du tigre. Mais bien sûr tout ceci est négociable. Je veux un homme qui me voit pour qui je suis, un petit lutin espiègle dans des vêtements d’ours, à la recherche du nirvana sexuel — le délicat équilibre entre l’agonie (matérialisée par se tortiller) et l’extase (matérialisée par des gémissements) c’est ce qui me fait jouir ! C’est là où réside mon désir.
Votre genre n’a pas d’importance, tant que vous m’intriguez. L’emballage ajoute simplement de la texture.