Article d'origine en anglais du magazine Out.com (pdf)
Est-ce que notre chroniqueur peut charmer les pédés de Manhunt et les dames en quête de mariage sur eHarmony ?
Je l’admets. Comme le reste de vous homos pervers, je suis accro à Manhunt. Tout a commencé assez innocemment : En tant que votre chroniqueur trans sympa et sans-peur du coin, j’avais mis au point une expérience sociale audacieuse et habile en matière de rencontre en ligne qui allait sonder la complexité infinie de, et les différences entre la sexualité et le genre - tout ça pour votre plaisir et votre édification. Eh bien, c’était tout du moins l’idée, jusqu’à ce que je mette en place un profil sur Manhunt, en devienne un membre à part entière, et commence à avoir plus de succès que John Mayer, Justin Timberlake, et ce type de Maroon 5 réunis.
Mais je veux d’abord vous parler de mon projet initial, qui m’a été inspiré par ces publicités insidieuses et écœurantes pour eHarmony à la télévision, le site de rencontre ouvertement homophobe fondé par le chrétien à tendance évangélique Dr. Neil Clark Warren. J’ai commencé à me dire : Il a peut être dit pas d’homos, mais personne n’a jamais dit pas de trans sur le site. Hé, je suis un (trans) mec, et je suis attiré par tous les genres - y compris les femmes - alors pourquoi ne pas tenter le coup ? Je me demandais si j’allais seulement réussir le test de personnalité breveté eHarmony, comme j’avais lu que jusqu’à 20% des personnes qui répondent à l’enquête de plus de 400 questions sont rejetés parce qu’ils sont ce que le Dr Warren juge comme de pauvres perspectives de mariage (dépressifs, émotionnellement instables, trop souvent divorcés, gays, etc.)
Je suis heureux de vous annoncer que ma (véritable) photo et mes (exactes à 95%) réponses à la litanie d’énervantes questions - "Si vous étiez mariés, combien d’enfants serait l’idéal ? » et « Évaluez votre morale sur une échelle de 1 à 7, " rien que pour commencer – ont fait certifier par eHarmony ce queer trans bizarre comme 100% pur mâle hétérosexuel bon à marier.
J’ai payé 59,95 $ pour un abonnement de trois mois, à cet instant je fus soudain mis en contact avec des dizaines de femmes dans la région de New York qui avaient été statistiquement calibré pour devenir ma femme idéale, fondé sur "29 dimensions de compatibilité ». Il y avait Stacey à Mamaroneck, 1m78 et dans les ressources humaines. Nous en sommes passé par plusieurs tours de communication avant qu’elle ferme la discussion, en choisissant comme raison présélectionnée, "Je pense que la distance physique entre nous est trop grande." Attendez, voulait-elle dire la hauteur ? Puis il y a eu Lori dans le Queens, une bibliophile végétalienne, comme moi, qui affirmait qu’elle ne pouvait pas vivre sans la station de radio NPR (moi non plus !). Après avoir posé des questions sur la relation de couple de mes parents, ce que j’aimais faire le samedi soir, et où je me voyais vivre dans 15 ans, nous avons perdu contact : « Je fais une pause dans les rencontres », a-t-elle opté pour.
Peut être vous commencez à voir pourquoi on pourrait trouver Manhunt un peu plus... dynamique ? Bon sang, les nana hétéros sont assommantes. Il semblait que ma mission avait été accomplie sans effort et que j’avais suffisamment implosé les catégories trop simplistes d’un Dr Warren obsédé par le binarisme, « femme cherche homme » et « homme cherche femme. » Mais il y avait aussi beaucoup de femmes qui avaient aimé à quel point je paraissais « sensible » et que je sois « propre sur moi et ayant bonne mine » et « pas trop Néandertal ». (D’accord, c’est généralement les dames blanches et asiatiques qui étaient motivées par mon profil ; les noires et les Latinas semblent aimer leurs gars un peu plus, comment dire, virils). Ça ne me dérangeait pas de déconner un peu avec eHarmony, mais j’ai tout de même commencé à me sentir mal de mener en bateau certaines des femmes sans méfiance qui semblaient s’intéresser vraiment à moi. J’ai donc pensé qu’il était temps d’aller faire un tour chez les mecs.
Le bon sens suggère que la drague est une simple quête de bite. Mais il se trouve que je suis d’avis que la drague est aussi bien une quête d’identité - sa propre identité, qui se transforme continuellement que nous en soyons conscients ou non. Prenez les petites annonces. Qu’il s’agisse de quelques centimètres en plus, de quelques kilos en moins, ou de ces « physique de nageur » qu’aucune piscine au monde ne pourrait entretenir, nous mentons tous sur nous-même à des partenaires potentiels. C’est à peu près acquis qu’un gars qui dit qu’il fait 1m70 culmine en fait à 1m60 en chaussures de ville. Même en personne, nous avons tendance à changer de forme et à ajuster qui nous sommes et vers qui nous sommes attirés à ce moment, ou même sur la façon dont nous allons avoir des rapports sexuels, en fonction du partenaire.
Une fois mis de coté les petits mensonges, pour la plupart des gens - gay, hétéro, et tout ce qui se trouve entre – une petite annonce est simple : (1) Vous dites qui vous êtes, et (2) Vous dites ce que vous voulez. Mais pour une personne transgenre, la drague peut être une aventure particulièrement délicate qui met inévitablement la première étape dans ce processus - l’identité, par opposition à la sexualité – en avant et en plein centre, car, souvent, ce que nous savons nous-mêmes être ne correspond pas toujours avec ce que les autres pensent que nous sommes. J’étais donc vraiment curieux de savoir si j’allais passer la rampe avec les pédés pointilleux de Manhunt aussi facilement que ça s’était passé avec les dames en quête de mariage de eHarmony.
Dans mon profil Manhunt j’ai essayé de rester aussi fidèle à ma vraie personnalité que possible. J’ai dit que j’aimais les mecs qui étaient capables d’aligner deux mots ensemble, que je cherchais d’abord de l’amitié, et que j’aimais sortir prendre un café et flâner dans les magasins de livres d’occasion. J’ai mis deux photos de mon visage et une de mon torse. Allant contre le grain habituel de MH, mon profil déclarait : « Je n’ai pas besoin de tout de suite voir une photo de votre bite, vous n’avez pas besoin de voir la mienne. » (Ma bite passe une grande partie de sa vie dans un tiroir.) Ma photo finale me montrait tirant vers le bas mes jeans et mon caleçon rayé, agrippant et révélant une épaisse, juteuse... courgette bio.
Presque immédiatement, j’ai reçu un tas d’e-mails et d’invites de chat (en fait ma boîte e-mail MH me clignote "3 messages non lus" en ce moment, et je ne peux que les ignorer pour que je puisse terminer l’écriture de cette satanée chronique). Voici un échantillon, tous de mecs différents : « T a croquer » ; « G vé être direct, g viens chez toi 2suite » ; « Prépare toi je vais te pister dans la ville » ; « J’ai envie de croquer un bout de ton légume » ; « Tu sais te servir de points-virgules ; je crois que je suis amoureux » ; « Hé beau gosse, tu ferais bien 2 m’appeler plus tard kon se fasse 1 plan tel » ; « Si ça t’intéresse de laisser un mec plus vieux (45 ans) te sucer pendant que tu regarde un porno... pas besoin de me toucher... j’avale...appelle moi quand tu veux » et ainsi de suite.
Je dis pas que je suis la personne la plus excitante au monde – même pas en rêve - mais je suis peut-être tombé par inadvertance sur l’élixir parfait pour ces moments sporadiques où je me remet à penser que je suis laid, mou, vieux, pas assez masculin, et ainsi de suite.
Et pourtant, il a finalement fallu que je dise à ces gars que j’étais FTM. Je sais que j’utilisais un pseudonyme et que c’était juste une expérience amusante, et que mon ego n’était pas censé être investi dans tout ça, etc etc etc (inutile de dire que j’ai une partenaire et que je ne cherche pas à brancher quelqu’un), mais j’étais néanmoins complètement et totalement pris au dépourvu par à quel point il était devenu difficile pour moi de dévoiler mon statut. Je me suis retrouvé à ne pas vouloir décevoir ces gars qui avaient été attiré par moi et m’avaient complètement accepté au sein de cette boite de Petri qu’est Manhunt. Pour être parfaitement honnête, j’ai assez aimé l’impression que ça faisait.
Mais, inévitablement, pour la plupart des mecs, la moindre attraction qu’ils avaient pour moi allait tout à coup disparaître dès qu’ils allaient apprendre que je n’étais pas né de sexe masculin, que je n’étais pas doté d’un pénis comme le leur dans mon caleçon. Au départ, ils étaient tous désireux de se rencontrer pour une sortie, de parler au téléphone ou par vidéo-chat, ou tout simplement pour un coup d’un soir - mais quand j’ai révélé que j’étais trans, l’engouement et la fréquence de la correspondance diminuait. Mon préféré était Kevin de Hell’s Kitchen, qui avait dialogué avec moi sur AIM plus vite que je pouvais taper (et je tape vite), mais après avoir dit qu’il était cool avec ce truc FTM et qu’il voulait encore trainer avec moi, il est soudainement devenu profondément et irrévocablement absorbé dans de vieilles rediff’ de Sex and the City, et ses messages ont cessé de jaillir.
Je dois dire, cependant, que pour la plupart les mecs ont été très respectueux. Cela a peut être davantage à voir avec le fait que le mot conversation était mis en avant et en plein milieu dans le titre de mon profil, qu’avec la tolérance de la différence en général dans la population homosexuelle masculine, mais quand même j’ai été impressionné par beaucoup de mes nouveaux copains. Il est intéressant de constater que j’ai trouvé que plus je communiquais avec un mec avant de divulguer que j’étais trans, plus il était susceptible de manifester de l’intérêt à apprendre de nouvelles choses en continuant une possible relation. C’était les mecs à qui j’en parlais dans les messages du début qui étaient le plus susceptibles de réagir immédiatement avec quelque chose comme "Mignon, mais pas intéressé » ou « Je ne sais pas ce FTM veux dire, et je ne veux pas le savoir."
L’esprit, il semblerait, est peut-être plus puissant que la libido, et non l’inverse, comme je l’avais toujours pensé. Un même corps et une même personne que certains gars trouvaient attirant en premier lieu se transformaient en quelque chose de totalement repoussant avec l’introduction de ce nouvel élément d’information - comme si les attributs de la masculinité étaient strictement limités à la présence d’un pénis à la naissance.
Il pourrait avoir été agréable de rencontrer certains de ces hommes en personne pour voir qui l’emporterait, du cerveau ou de la libido, mais je ne suis jamais arrivé au stade de rencontrer en personne quelqu’un de Manhunt. Comme sur eHarmony, j’ai ressenti le besoin de tracer une ligne éthique quelque part, même incertaine. Je ne suis pas le premier, et je ne serai certainement pas le dernier à draguer sur Manhunt avec des motivations incertaines, mais certainement je sentais que je devais y aller doucement avec le « gros mensonge trans », ce truc qui fait tellement flipper les gens, et qui fait le lit de tristes films comme The Crying Game et Boys Don’t Cry.
Je vais vous dire un truc frappant, après mon mois sur Manhunt - c’est très probablement le grand mensonge de la population gay masculine, si vous voulez. Après quelques semaines, j’ai perdu le compte du nombre d’hommes qui, après avoir appris mon statut de genre, ont dit quelque chose du style : « Attend, dc t un mec, mais avec une chatte ? C’est cool. Assez bandant en fait », ou « J’ai toujours voulu faire du sexe avec une chatte, même si j’en ai jamais vu. »
Vous êtes une bande d’hétéros planqués, c’est ce que je dis – et je pense qu’ils devraient peut être envisager de changer le nom du site : par PussyHunt.